Raaaa Ahaa ! Voilà, une belle exclamation, tenant presque de l'extase qui, apprenez-le, n'est pas que l'apanage des amateurs de chemises de soie à jabot, qui dotés d'un brushing parfait, enchaînent les pas de danse, qui relèveraient aujourd'hui du registre du manspreading, en beuglant avec une conviction avinée les paroles d'Alexandrie Alexandra.... (Mettez les fans de Claude François en PLS !)

En effet, le ludochon peut lui aussi lâcher des "Ra, ahaa", qui ne sont pas, là aussi sans rapport avec l'Egypte mais dans son cas il le fait d'ordinaire sans déhanchements exagérés (l'âge ?) et devant une table de jeu où trône, non pas un pharaon, mais Ra, vieux pot de maître Knizia. Certains, en fait peut-être pas tant que cela, regretteront l'absence de Claudettes autour de la table, mais avouons que cette disparition nous arrange : toutes ces chorégraphies soignées c'est un truc à vous envoyer balader le plateau de jeu !

Bref, hier quelques joueurs tentaient de réaliser des prouesses architecturales au gré des crues du Nil, songeant à ces dynasties interminables de bâtisseurs, dans un pays qui connaissait loin du Nil une sécheresse implacable,.... Alors même qu'au dessus de leurs têtes de joueurs roulait un orage venant interrompre de déjà longues journées de chaleur. Pouvait-il y avoir jeu plus thématique hier ?

Oui, car certains ont joués à Earth, un jeu qui simule l'évolution de tout notre biotope alors qu'à Paris se déroulait le "sommet pour un nouveau pacte financier mondial"... Ce qui peut fasciner c'est que les deux choses paraissent complètement disjointes, quel est le rapport entre le modèle de Black-Scholes et l'interaction heureuse de quelques plantes et autres insectes ? Curieusement, outre le fait que certains modèles sous-jacents peuvent parfois se révéler extrêmement proches (beauté des mathématiques), les deux choses ont des interactions de plus en plus puissantes l'une sur l'autre, et ce n'est peut-être pas une bonne nouvelle.

Earth, juin 2023 Earth - Et pour saisir cette ironie, du Joni Mitchell chantée par Counting Crows (oui désolé une certaine inclinaison de votre serviteur)...

Certains enfin se regroupaient autour du plateau d'Iki... On a déjà évoqué plusieurs fois la signification du terme Iki, mais comment résister à cette notion de trois lettres que certains lettrés, plus verbeux, traduisent en "la silencieuse paix du ravissement". Si on en croit, les dictionnaires cette notion esthétique de la période Edo s'est forgée en partie dans les quartiers du "monde flottant", quartiers de plaisirs dont le nom est lui même un détournement d'un terme bouddhiste. Qu'il est amusant de voir qu'une notion se cache derrière des paravents (laqués ? Plutôt chinois donc ?) successifs et que l'immense délicatesse qui s'en dégage, masque aussi des réalités bien plus violentes.
Cette brève évocation, devrait vous pousser à vous assoir à une table de ce bon jeu, et si ce n'est pas le cas, votre serviteur qui par contrat doit vous suggérer une référence culturelle par billet, vous invite à aller lire le formidable "Un artiste du monde flottant" de Kazuo Ishiguro...

On nous précise que pour finir, ayant quitté l'Egypte éternelle (contrairement à la Nubie qui a fini, comme les crues, au fond du lac Nasser), nos amateurs d'antiquités se sont rués dans les galeries d'Art moderne, ce qui peut constituer un choc des cultures, mais aussi une bonne grosse soirée de jeux d'enchères !

Les jeux

  • Art moderne (R. Knizia chez Matagot)
  • Earth (Maxime Tardif chez Lucky Duck Games)
  • Iki (Koota Yamada chez Sorry We Are French)
  • Ra (R. Knizia chez Überplay)

Les joueurs

  • Alexis, Cyril (Atom), Julien, Olivier et Vincent (Possom)
  • Antonio, Michaël le plieur, Séverine et Stéphane (Gnafron)
  • AlainCM, Davy, Elsa, Magali et Philippe


Iki, juin 2023 Iki - On méconnait la finesse du dosage pour le "K"- un "K" l'élégance, deux "K" une peluche grotesque