A quoi sert un blog ludique en ce moment ? À vrai dire, au terme de cette période de fermeture (on en voit le bout bientôt !), on peut se poser la question !

  • Faire la promotion de notre activité à destination des acteurs locaux ou des éditeurs? Sans activité ? Raté !
  • Recruter de nouveaux joueurs ? Pour ne pas jouer ? Pas mieux !
  • Maintenir du lien entre nos joueurs ? Soyons honnête c'est un peu vain de penser pouvoir le faire !


Bref il n'y a aucune raison valable ! Alors ? Alors, autant relire les blogs et autres pages de nos petits camarades ludiques et, si vous avez fait cela, une chose saute aux yeux : dans le milieu du jeu de société, on semble faire un peu moins preuve d'affectation que dans d'autres domaines ! (Pour la modestie, en revanche, ce blog repassera).
Des preuves de cet excès de superlatifs qu'on trouve ailleurs ? Pensez à cette; soudaine et très médiatique, passion pour les librairies, alors que si vous les fréquentiez jusque là vous savez qu'elles étaient plutôt tranquilles voire en voie de disparition. Et que dire de ces reportages dithyrambiques, visant à démontrer que l'acmé de notre culture est basée sur la fréquentation.. des terrasses... en semaine... sous la pluie ! Sérieux ?

Certes, la professionnalisation de certains sites ludiques pousse parfois un peu à l'usage de l'adjectif superfétatoire, mais dans l'ensemble la plupart des sites de joueurs restent dans une expression de bon aloi. À une époque où il est de bon ton de montrer sur facebook un bonheur familial sans la pourtant nécessaire présence de la moindre ombre, la qualité de son plat sur Instagram (même s'il ressemble à un produit extrait des catalogues de Brake, transgroumet, ou Krill ), son don spontané pour la danse sur Tik Tok (avant les crampes et courbatures du 103ème essai), le côté flamboyant (et tout en élision) de son parcours professionnel sur LinkedIn, ou encore de montrer ses performances d'athlète sur Strava (sans mentionner le moteur de son vélo), la plupart des joueurs de jeux de plateau, eux, arborent encore une certaine modestie.

Assemblée générale, oct. 2018 Une image devenue presque indécente ! AG 2018 !

D'où est-ce que cela peut bien venir ? Peut-être plusieurs explications !

  • le consumérisme à tout crin tourne assez vite au ridicule pour le joueur. À l'exception de grands collectionneurs (très utiles dans un club) et pour qui cela relève de la vocation ou du sacerdoce, on se heurte progressivement aux limites du placard, de l'armoire, de la pièce, du garage ou à coup sûr, à un moment ou à un autre, du conjoint.
    Bref afficher en permanence de nouvelles boites, passée la première excitation, ne fait assez rapidement plus fantasmer les joueurs pour qui cela tourne à une source de stress, celle du "Où-est-ce que je vais pouvoir planquer cela ?"

  • Côté consumérisme toujours, une autre limite est assez vite atteinte... L'affichage ne suffit pas, il faut y jouer ! Et là, on touche à une autre limite, après le volume, celle de la quatrième dimension et du temps de jeu... Bref, même pour les joueurs ayant une seule passion, difficile (physiquement), de jouer "à tout".
    Alors qu'il faudrait, sur les réseaux, faire le blasé "tout fait, tout vu (deux fois)", ce Sisyphe ludique est, pour eux, un piège mortel!


  • Par ailleurs, souvent chez le joueur, la valeur ultime se situe dans le plaisir du jeu, et pas dans la victoire. Car même si on peut la courtiser, Niké est une déesse dont l'inconstance n'a pas de prix (rien à voir avec ses chaussures)... Bref vous pourrez connaître de grands triomphes, de magnifiques défaites mais la plupart du temps, vous serez dans un entre-deux "médiocre" mais qui curieusement vous aura procuré bien du plaisir... Or les réseaux sociaux aiment avant tout l'excès et le succès.


  • "Tout passe, tout casse, tout lasse", y compris la nouveauté... Étonnamment, à un moment ou un autre un joueur va se passionner pour un jeu pendant quelques temps, et il va s'extraire du culte de la nouveauté. Pire il est des jeux qu'on apprécie même lorsque la surprise a disparu, parce qu'ils vous titillent, vous stimulent vous énervent ou vous rassurent ! Difficile de faire du buzz avec votre 1873ème partie de Star realms.


  • Et puis chez le joueur, l'enfer ce n'est pas les autres mais l'absence de joueurs (et là on l'a bien vu). Comment rendre compatible une activité qui nécessite l'autre, à des endroits qui glorifient le moi ?


Bref on pourrait multiplier les exemples et s'apercevoir que notre activité sociale, est finalement assez contradictoire à l'activité des réseaux sociaux. Est-ce que cela nous en apprend plus sur les réseaux ou sur notre pratique ? À vous de voir !

La (seule) bonne nouvelle c'est que nous allons, bientôt, pouvoir normalement repasser du virtuel au réel et abandonner ces compte-rendus qui tournent en rond pour retrouver de vrais joueurs et de vraies parties ! Il est temps, amis ludochons, de sortir les chiffons à poussière, pour aller astiquer vos boites de jeux !