On avait cru qu'un confinement c'était d'abord une question d'espace. Un espace réduit, limité, avec lequel il faudrait faire, quitte à tourner en cage... Dans celui-ci, on a d'abord cherché les jeux pour jouer avec la famille et en cas de défaut des solitaires tout-à-fait recommandables, au pire des jeux en ligne...

Puis nous avons découvert que le confinement c'était du temps... Pour certains du temps pour jouer, pour d'autres du temps sans jeu... Du temps d'inactivité ou du temps de suractivité, le vide ou le trop plein. Bref une gestion du temps bien surprenante...

Et puis il est apparu que finalement le confinement c'était du lien social, celui qu'on voulait préserver et celui qui se délitait...

Là où cela se complique pour un ludochon, c'est que le jeu c'est de l'espace, du temps et, du lien social... Bref tout cela a laissé les joueurs de jeux de société dans une société assez joueuse... Joueuse parce que les injonctions sont souvent contraires. On peut, par exemple, être obligé de prendre de la distance dans un TER avant d'aller s'entasser dans un Ouigo. Certains clubs sont accessibles, d'autres non et cela ne dépend parfois même pas du sport ou de l'activité en elle-même, mais parfois de la VMC, de la configuration du lieu, ou encore du niveau de directives.

Bref dans notre Nord-Isère, on peut travailler, aller au cinéma, acheter une nouvelle voiture, se rendre au restaurant, voter mais pour le moment et jusqu'en septembre jouer dans notre club sera chose impossible.

De plus, les injonctions qui peuvent nous toucher sont parfois elles-mêmes contradictoires ou paradoxales. Reprendre la voiture plutôt que le train est-ce vraiment un bon investissement dans la durée ? Faut-il sauver une industrie (aérienne) qui est au minimum un vecteur de propagation ? Bref, nous voilà à gérer des empilements de dilemmes insolubles.

Souvent nous avons professé ici que le jeu nous préparait au mieux à toute sorte d'événements, mais là même pour les meilleurs de nos analystes cela devient pointu... Mais, il y a pire! L'attaque du lien social est des plus angoissantes. En effet, on s'aperçoit que de nombreux concitoyens voient maintenant en l'autre un danger potentiel et qu'ils peuvent le haïr pour un masque dont ils suspectent la non-conformité, alors que les autres, "négligents" (au mieux) pour les premiers, peuvent les haïr de manière symétrique parce que, selon eux, ils bloquent le système de manière excessive (Il est vrai que j'ai vu à la gare une grand-mère mettre du gel sur ses gants vinyliques). Et au pire si on franchit ces fossés d'incompréhensions, on doit affronter la nouvelle peur : si c'était moi le vecteur maudit de cette pandémie...

Tout cela a donné à nos joueurs l'impression de jouer à un nouveau jeu "la pandémie de Thiercelieux", un jeu, théoriquement collaboratif, dans lequel on cherche les coupables, ou chaque nuit des joueurs disparaissent, et ou le carton définissant votre rôle indique juste "Pas sûr", "Je ne sais pas", ou "Peut-être"...

Pandémie à Thiercelieux, juil. 2020 Pandémie à Thiercelieux - la fiction et la réalité....

Que va devenir le joueur, s'il ne peut plus faire confiance à l'autre pour se réunir autour d'une table de jeu ? Le joueur redeviendrait alors un homme seul, et on le sait, l'homme seul est souvent mal accompagné, et on peut se demander, avec un peu d'angoisse, ce qu'il restera de nos joueurs de société en septembre.

Bref le temps est assassin... et emporte avec lui les rires des enfants et les mistral gagnants.

PS : Pleurez pas ! Les billets précédents (auto-censurés) étaient pires!